La question peut sembler étrange voir idiote, car créer fait partie de l’être humain. Pourtant il arrive que les créateurs aient peur de créer. En tout cas c’est mon cas. Et de cette crainte sont nés de nombreuses questions, auxquelles j’ai essayé de répondre. Et plutôt que de garder les réponses pour moi j’ai préféré les partager avec vous. Pour ce qu’elles valent certes, mais surtout pour en parler et ne passer ce fait sous silence.

Constat

Depuis tout petit nous créons. Que ce soit lorsque nous dessinions une maison avec des grosses fenêtres carrés et de la fumée qui sortait de la cheminée. Ou lorsqu’on modelait un chien avec de la pâte à modeler verte. Ou encore lorsque nous construisions en Lego un vaisseau de l’espace avec des pistolets lasers à partir d’une voiture de policier. La création était partout. On découvrait le monde et on le modelait selon nos envies à notre guise, en y ajoutant une bonne couche d’imagination. Recréé le monde qui nous entourait pour mieux le comprendre voici ce que nous faisions alors.

Petit à petit l’imagination s’est cantonné à voir le métier que vous alliez exercer plus tard, au gré des « il faudrait grandir un peu ». Comme si grandir et imaginer l’irréelle n’était dès lors plus compatible. Comme si ces derniers ne pouvaient cohabiter, ou du moins créer un métier sérieux et respectable. Bref devoir tout sauf un crève la dalle. La création s’est petit à petit éloignée de nos quotidiens, même si parfois on vous demandait de faire preuve d’originalité (voir l’article sur l’originalité).

J’ai arrêté de créer

J’ai créé pendant de longues années, faisant de la création mon métier, en tant que graphiste-illustrateur, et dans de multiples autres tentatives. Puis je l’ai instruit à d’autres via des cours ou des tutos. La création faisait partie de mon quotidien, et j’en tirais un certain plaisir, une satisfaction (enfin parfois). Puis un échec a croisé ma route et fait dérouter le véhicule de la passion et de la motivation. Les questions ont commencé à surgir du sol tel des panneaux signalétiques. Des questions qui étaient sous-jacentes mais qui ne s’étaient encore jamais vraiment exprimées. Je ne savais vers où aller. Et d’ailleurs je ne sais pas beaucoup plus aujourd’hui.

Les questions étaient : pourquoi je créerais, alors que ce que je fais est de moins bonne qualité que ce que font les autres ? Pour quelles raisons je le ferais ? Quel serait le but final de tout ça ? Comment intéresser les autres à mon travail ? Que vais-je laisser après ma mort ? Au fond pourquoi le faire tout simplement ? Oui il y avait de quoi faire. Et autant vous le dire je n’ai pas trouvé de réponse tout de suite, loin de là. Pourtant pour répondre à la plupart il fallait déjà commencer par répondre à une seule question :

Pourquoi créons-nous ?

Si nous avons vu que les enfants créaient pour découvrir le monde et le rendre accessible. Une fois adulte cet état de fait peut changer. On ne crée plus pour comprendre mais pour faire comprendre, on ne crée plus pour rendre le monde accessible mais pour le rendre accessible aux autres. L’art a longtemps servi et sert encore, à dénoncer, à passer un message, et cela quel que soit la discipline.

Le peintre donne sa vision du monde, la danseuse exprime ses sentiments avec son corps, le photographe sublime un instant, le fige, un poète décrit ses états d’âme, etc. Et ce ne sont là que de maigres exemples parfaitement modulables. Pourtant toutes les œuvres ne sont pas des œuvres engagées, loin de là. Dans ce cas ce n’est plus la transmission d’un message qui prime ou motive l’artiste mais dévoiler ses sentiments. Faire passer une émotion à travers sa création, que celle-ci soit maîtrisée ou non d’ailleurs. La qualité, qui est d’ailleurs très subjective, n’entre pas en ligne de compte au moment même de créer et de réfléchir à la création, avant qu’elle ne soit produite. On peut également produire par simple envie.

Mais au-delà de tout ceci on peut également créer pour montrer sa maitrise d’une discipline, pour se mettre en avant et ainsi donner un critère sur lequel juger sa valeur. Pour montrer de quoi l’on est capable, ce qui nous touche et ce que l’on aime faire, ou ce que l’on aime ou déteste tout simplement. Le fait de créer sans montrer évince cette idée, mais à partir du moment où l’œuvre est montré aux autres, l’auteur attend un certain retour. Pas forcément une approbation mais un stimuli externe, une réaction de la part des personnes qui interagissent avec l’œuvre proposée. Il n’y a rien de pire que d’être ignoré, c’est pire encore parfois, que d’être insulté, car cela veut dire malgré tout que l’on suscite une réaction chez l’autre. Et aujourd’hui tout le monde veut s’exprimer et peut le faire (enfin plus ou moins) et attendre en retour une réaction de la part des autres.

On créé donc pour se faire plaisir, faire passer un message, une émotion, prouver sa maitrise et sa valeur et surtout pour exister aux yeux des autres.

Les autres questions

A partir de là peut être est-il possible de répondre aux questions posées juste avant. Essayons. Nous avons répondu au besoin de créer, nous savons pourquoi nous le faisons. En ce qui concerne la qualité tout ceci est subjectif, même si pour produire quelque chose de qualité il n’y a pas de secret il faut travailler encore et toujours pour s’améliorer. Pourquoi continuer à le faire ? Justement pour s’améliorer et voir l’évolution. Le but final peut être considéré à moyen ou long terme. Si vous produisez des œuvres de qualité vous pourrez faire une exposition et donc recueillir l’avis du public lors d’un évènement qui vous sera consacré. Sur le long terme vous pourrez faire passer des messages, voir votre évolution personnelle au sein de votre discipline, mettre en « image » vos pensées et avis. Et tout ceci justement vous le laisserez après votre mort, vous laisserez un héritage, un message pour ceux qui vous survivront, une trace tangible de votre passage sur terre. Et pourquoi le feriez-vous ? Tout simplement car vous en avez envie et que cela vous plait, que vous avez quelque chose à transmettre. Je ne pense qu’il y ai besoin d’aller chercher plus loin. La question la plus compliqué à mes yeux reste : Comment faire pour intéresser les autres à mon travail ? Car cette question ne vous concerne pas uniquement mais les autres également, ce qui ajoute des éléments à prendre en compte sur lequel vous n’avez qu’une légère influence et aucun pouvoir de décision.

Et pourtant

Avoir des réponses ou un chemin de vie ne veux pas dire que vous allez le suivre pour autant. Loin de là. Le fait de croire que l’on est pas à la hauteur, d’avoir peur du retour des autres sur ce que l’on produit suffit à créer des doutes, qui deviennent des craintes et pires des peurs. Car oui le manque de reconnaissance pour quelqu’un qui créé et cela quelque soit son statut, peut être un fléau qui remettra en cause toute sa production. Et au-delà du manque de moyens, qu’ils soient financiers ou matériel, c’est le manque de retour qui sonne le glas de nombreux créateurs. Et j’appuie sur ce point : recevoir de mauvaises critiques n’est pas la même chose, car ces dernières peuvent nous pousser à nous dépasser. Mais le manque de retour, surtout de personnes ne faisaient pas partie de notre cercle proche, reste un néant et rien ne nait du néant. Ce retour peut être financier certes, mais aussi juste oral.

Souvent on entend parler de manque de moyens, mais rarement la question de retour n’est abordée, car bien plus complexe et assez personnelle au final. Tout le monde n’aura pas besoin d’une même quantité de retours et n’accordera pas forcément la même importance à ce phénomène, qui est assez difficile à cerner. Certains arriveront même à s’en passer. Il est alors très difficile de le cerner.

Recommencer à créer c’est rebondir ?

Que de questions soulevées pour cet article. L’arrêt de pratique découle souvent d’un manque de temps si vous faisiez cela pour le plaisir personnel uniquement, ou justement du manque de motivation et de connaissance du futur. Et plus souvent encore c’est suite à un échec. Un échec qui a laissé des traces pernicieuses. Et se relever après un échec est souvent une chose compliquée. Il y a de fortes chances que vous soyez en partie responsable de cet échec, personne ne peut faire parfaitement les choses, d’ailleurs la perfection est là aussi un concept parfaitement subjectif. Mais parfait le hasard, les coïncidences ou les extérieurs peuvent avoir mis un sérieux coup de couteau à vos projets. Mais quel que soit la finalité de votre projet, et l’échec qui en découle il y aura un après. Un après comme pour les héros qui reviennent chez eux après un long odyssée. Sauf qu’eux en bon héros reviennent couronnés de succès, pas forcément celui de leur cœur, mais celui qu’ils offrent à leur entourage ou parfois au monde. En parlant de cela je pense à Frodon dans le Seigneur des anneaux, qui après avoir connu mille périples horribles revient à La comtée et vit de plein fouet ce retour à la normalité, et surtout la douleur qu’il crée. Et lui est revenu après avoir réussi sa quête. Je vous laisse deviner ce que cela ferait s’il avait échoué.

L’après échec ressemble un peu à ça, même beaucoup à ça. Mais pour avancer il faut rebondir, parfois même avec un ballon dégonflé. Et le souffle qui nous manque pour le regonfler on l’attend parfois de l’extérieur, encore et toujours ce besoin de reconnaissance, d’exister aux yeux des autres. Que l’on soit en période faste ou néfaste. Et c’est là que la peur de créer de nouveau peut prendre chaque créateur dans ses griffes. Des griffes de métal acérées.

Il faudra alors vous armer de patience mais surtout de force de volonté pour reprendre confiance en soi, et surtout espérer que le meilleur n’est pas forcément derrière vous et qu’il peut être à venir.