Comme avec la plupart des mots qui finissent par « gie » la narratologie est une science, celle de l’écriture. Elle étudie les techniques et les structures narratives. Science étrangement assez récente et qui a vu le jour en Russie avant de nous parvenir, et de rejoindre la sémiologie. Un sujet très intéressant mais très vaste que je ne vais qu’effleurer à travers cet article. Tout est très résumé, si l’un des sujets évoqués vous intéresse en particulier n’hésitez pas à me le dire en commentaire afin que je puisse vous proposer un article qui lui soit entièrement consacré.

Le narrateur

C’est un fait absolu, sans narrateur pas de récit. Et même si au fond seul le ou les auteurs restent maîtres du récit, la forme que prendra le narrateur peut être assez varié. Celui-ci peut être détaché du récit, au-dessus de l’histoire qu’il raconte, comme un observateur silencieux et invisible qui connaît à l’avance l’histoire qui va se dérouler devant vos yeux. Une sorte de dieu tout puissant qui a droit de vie et de mort sur ses personnages mais qui contrôle aussi le rythme du récit. Mais le narrateur peut également être le personnage principal ou les différents personnages du livre eux-mêmes, racontant leur histoire à la première personne. A cela il faut donc détacher le rôle du narrateur à celui de l’auteur, même s’il peut se rejoindre selon la personne qui raconte le récit.

C’est ainsi que l’on vient à différencier le narrataire sous plusieurs formes différentes. Le narrataire intradiégétique, qui possède toutes les caractéristiques du personnage. Le Narrateur extradiégétique, qui correspond à une figure retranscrit par le texte en lui-même et auquel s’identifie le lecteur (le narrateur n’est pas un personnage de la diégèse). Le narrateur invoqué qui représente le narrataire intradiégétique où le narrateur se confond avec le protagoniste, il est le héros de son histoire. Quant au narrateur hétérodiégétique, il n’intervient pas directement dans l’histoire. Enfin le narrateur homodiégétique, intervient lui directement dans son récit où il est le héros, à la première personne. Des termes un peu barbares je vous l’accorde.

Le modèle sémiotique narrative de Greimas

Elle s’intéresse au contenu du récit, se définissant alors comme un enchaînement d’actions. L’acteur étant le moteur qui fait avancer le récit, car sans actions il ne peut y avoir de récit. Dans le sens où le récit raconte une histoire. Ce cas de figure ne pourrait pas aller pour un guide ou de la poésie, pour que cette définition fonctionne il faut qu’elle reste dans le domaine du récit.

C’est d’ailleurs ainsi que A.J. Greimas établira un tableau des « acteurs » selon leurs rôles, qui sont au nombre de six : le sujet, l’objet, l’opposant, l’adjuvant, le destinateur, et le destinataire.

Le modèle sémiologique

Ce modèle classe les personnages en trois catégories : les personnages référentiels qui reflètent la réalité comme un personnage historique par exemple. Les personnages embrayeurs qui interviennent comme des observateurs, ou des témoins narrateurs. Enfin on trouve les personnages anaphores en présentant le récit via l’œil d’un « professionnel » qui fera figure d’autorité, un enquêteur dans un roman policier, un historien pour un récit historique, etc.

L’analyse de Philippe Hamon

Philippe Hamon décompose alors le personnage en trois champs distincts. L’être représente le personnage avec son nom, ses caractéristiques physiques, sa psychologie, ce qui le compose en quelque sorte. Le faire se rapporte aux rôles thématiques et actanciels, enfin L’importance hiérarchique sert à structurer le statut et la valeur. Ce qui vient compléter efficacement l’analyse d’Umberto Eco qui stipule que la manière et les mots utilisés par l’auteur influenceront la manière qu’aura le lecteur de se représenter le personnage et l’image mentale qu’il aura de lui, sans oublier les sentiments qu’il lui inspire.

L’instrument textuel

Vincent Jouve se représente les personnages d’une autre manière, les découpant en trois types de lectures différents. L’effet personnel où un personnage peut donc être un instrument textuel entre les mains de l’auteur, lui servant de marionnette dans le récit que lui a prévu celui-ci. Un effet une personne ou une illusion de personne provoque une certaine empathie chez le lecteur et enfin un prétexte, aussi peu élogieuse que soit cette appellation, il permet d’introduire une scène (dans son sens large) appelé alors effet prétexte.

L’intrigue selon Larivaille

Après les personnages, il est temps de parler d’intrigue. Selon Paul Larivaille, l’intrigue se résume d’après un schéma quinaire, et cela quel que soit le récit, passant d’un état à un autre par la transformation ou l’évolution. Voici ces étapes :

  • Avant – État initial – Équilibre ;
  • Provocation – Détonateur – Déclencheur ;
  • Action ;
  • Sanction – Conséquence ;
  • Après – État final – Équilibre.

Le mythe selon Campbell

Usé jusqu’à la corde par le cinéma Hollywoodien depuis les années 80, il est certain que vous connaissez le principe du monomythe sans même le savoir. On doit ce principe de monomythe à Joseph Campbell, qui après avoir étudié les récits depuis la naissance de ces derniers jusqu’à notre époque, estime (à juste titre) dans son livre « Le héros aux mille et un visages », que tous les mythes du monde raconte la même histoire, le voyage du héros ! Et chaque « itération » n’en serait qu’une variante. La recette de ce type de récit serait la suivante :

  • Un appel à l’aventure, que le héros doit accepter ou décliner. (souvent il commence par refuser avant d’accepter, et cette invitation lui vient souvent d’un mentor)
  • Un cheminement d’épreuves, où le héros réussit ou échoue. (on pourrait même dire que très souvent le héros réussi une fois, avant d’échouer, de se remettre en question et de réussir pour de bon)
  • La réalisation du but ou du gain, qui lui apporte souvent une meilleure connaissance de lui-même.
  • Un retour vers le monde ordinaire, où le héros réussit ou échoue.
  • L’utilisation du gain, qui peut permettre d’améliorer le monde.

La narration post-classique

Cette narration s’appuie plus sur les émotions, aussi bien celles qu’elle fait transparaître, que celles qu’elle fait ressentir aux lecteurs. Elle s’appuie aussi et avant tout sur des nœuds textuels et leurs alternances. On passera donc d’un nœud qui introduit un questionnement, une suspension de la question sur la longueur pour entretenir le suspens pour finir sur un dénouement qui répondra à la question primaire engendrée par le nœud, d’ailleurs le nœud peut avoir posé plusieurs questions. Ces questions n’auront aucune obligation à être résolues en même temps, engendrant un scénario à tiroirs (sur lequel on aura sûrement l’occasion de revenir). Le nœud et ses interrogations jouent ainsi sur deux plans possibles : soit un évènement passé ou actuel inconnu ou un développement ultérieur d’un évènement. Permettant ainsi de tisser un lien entre l’histoire et son sujet.

L’analyse de Genette

Wikipédia étant plus clair que moi sur le sujet, j’ai directement repris son texte (veuillez m’en excuser) : La narratologie peut analyser le temps du récit. Il en existe plusieurs : l’ordre, la durée, la fréquence, etc. L’ordre du récit est l’ordre des faits. Il peut y avoir rétrospection ou anticipation, l’ordre peut être linéaire, mais aussi anachronique. La durée quant à elle est le temps que durent les faits, le rythme de la narration. Aussi, la fréquence est le nombre de fois qu’un événement s’est passé. Une explication claire comme on les aime qui donne beaucoup d’indications. C’est ainsi que l’on peut détacher plusieurs éléments dans un récit :

  • l’ellipse, qui permet de passer d’une scène à une autre, même si celles-ci sont éloignées temporellement.
  • le sommaire, qui sert à résumer de longs évènements de manière rapide afin de planter le décor ou de donner des explications.
  • la scène, lieu mais aussi espace temporel qui se déroule au moment où l’on « parle ».
  • la pause, on fait une pause sur la narration du récit pour décrire une scène, un personnage, un lieu.

Autres éléments de la temporalité qui se découpe en quatre moments différents :

  • ultérieur, on raconte après ce qui s’est passé dans une scène (analepse) ;
  • antérieur, on raconte ce qui va se passer prochainement ou non (prolepse ou amorce) ;
  • simultané, on raconte directement ce qui se passe dans une scène;
  • intercalé, on mélange présent et passé.

Voyons à présent les points de vue qui rejoignent les narrateurs exposés en début d’article :

  • focalisation externe, l’histoire est racontée à travers le regard d’un narrateur extérieur à l’histoire qui n’y participe pas.
  • focalisation interne, l’histoire est racontée à travers le regard d’un personnage (ou de plusieurs).
  • focalisation zéro, le narrateur sait tout et en sait même plus que les personnages car il est omniscient.

Rien ne vous empêche d’ailleurs de mélanger ces trois types de point de vue, c’est d’ailleurs assez courant. Par contre il est important de différencier un point de vue un peu particulier, différente de la focalisation interne. Lorsque le narrateur se confond avec l’un des personnages qui raconte l’histoire de son point de vue, nous sommes alors dans un récit à la première personne. D’ailleurs la biographie représente bien ce cas de figure où le narrateur est autodiégétique et homodiégétique.

Ça sera tout pour aujourd’hui

On en conviendra tout ceci est un peu compliqué et ne sera pas forcément à connaître sur le bout des doigts pour raconter une histoire. Mais il est toujours intéressant de se pencher sur ces différentes analyses qui restent d’excellents outils pour débuter un récit et savoir où l’on se situe pour éviter de dévier de cette trajectoire involontairement. Un support supplémentaire bien utile.